Qui suis-je ?
Quand vous m’avez élu député en juin 2017, j’étais loin d’imaginer tout ce que j’allais vivre à l’Assemblée nationale.

Pour moi qui, 2 mois plus tôt, directeur d’un institut de recherche international, n’envisageais même pas de me présenter, ce fut un ouragan dans ma vie personnelle et professionnelle. J’ai découvert ce que connaissent bien les habitués : les énoncés sibyllins des lois, les jeux internes des partis, les alliances changeantes, les lobbies, les coups de pression, la complexité des dossiers de société, les dilemmes… Mais j’ai aussi réalisé que, comme en sciences, il ne faut pas se laisser dévorer par les difficultés techniques, il faut se concentrer sur le fond des dossiers et sur la stratégie. Et au-delà des difficultés du quotidien, j’ai pu apprécier la noblesse et l’exigence du mandat politique. Moi qui avais parcouru le monde en représentant de l’immense tradition mathématique française, je suis devenu l’incarnation d’un profil devenu si rare dans notre pays : un scientifique en politique.
Les rôles, les combats, les dossiers ont évolué depuis le temps où j’intégrais le premier Conseil scientifique de la Commission européenne, mais mes objectifs n’ont pas changé : dans notre époque de doutes, de dangers et de désunion, faire entendre la voix des sciences et du dialogue pour participer au bien commun et au progrès de la société.
Considéré avec perplexité par mes collègues parlementaires en début de mandat, j’ai pu me constituer une équipe de confiance et trouver ma place dans l’institution. On m’a confié pas moins de six rapports : trois au gouvernement et autant au Parlement — à quoi il faut ajouter neuf notes scientifico-politiques sur des sujets allant de l’informatique quantique à la santé environnementale, en passant par les grands accélérateurs de particules et les modes de scrutin. J’ai présenté dans le monde entier les conclusions de mon enquête sur l’intelligence artificielle. J’ai défendu en Hémicycle une proposition de loi médiatisée sur la condition animale, et dans ce sujet qui m’était nouveau j’ai rejoint le podium des deux ou trois parlementaires les plus influents. Élu et réélu Président de l’Office parlementaire scientifique, avec les voix de la droite comme de la gauche, du Sénat comme de l’Assemblée, j’ai présidé quelque cinq cents heures de débat scientifique parlementaire, tâchant de faire valoir la rigueur, l’ouverture d’esprit et l’impartialité que la carrière scientifique m’a permis de travailler ; j’ai aussi fait évoluer cette institution, accru sa capacité d’évaluation, accéléré son rythme. En temps de crise du COVID, l’Assemblée nationale et le Sénat nous ont confié la responsabilité d’évaluations délicates sur le bien-fondé de la stratégie vaccinale du gouvernement ou encore sur les effets secondaires de la vaccination. Des collègues, parlementaires ou scientifiques, m’ont demandé de l’aide sur des thèmes sensibles : usage abusif des sels nitrités dans les charcuteries, recherche polaire, stratégie nucléaire française, pollution plastique, restauration de Notre Dame de Paris, et quantité de sujets où l’analyse de la complexité scientifique est indispensable à la décision politique.
Amoureux du débat contradictoire et de l’ouverture aux autres, j’ai évolué et progressé au contact de courant de pensée politique variés, j’ai élargi l’éventail de mes batailles. J’ai été en première ligne pour défendre le droit à l’instruction en famille, dénoncer le génocide ouïghour, apaiser les relations franco-algériennes, revaloriser les métiers du lien, renforcer l’enseignement scientifique, ouvrir les archives sensibles aux historiens ou encore appeler à la libération du journaliste Julian Assange, outrageusement persécuté par l’État américain. Convaincu de l’importance des contrepouvoirs, j’ai interpellé publiquement ministres et préfets sur des sujets aussi variés que l’enseignement des sciences, la lenteur de la délivrance de documents de séjour, les effectifs des forces de l’ordre, les besoins en infrastructures cyclables, l’utilisation des pesticides ou l’inaction climatique du gouvernement. Comme dans ma carrière de recherche, j’ai connu de nombreux échecs instructifs et quelques précieux succès.
En bonne place parmi ces échecs pleins d’enseignements, il y avait la campagne municipale de 2020 à Paris. Placée sous le signe de l’écologie, des sciences et de la culture, elle entendait surtout reprendre le mouvement historique d’agrandissement de la capitale et la réconcilier avec sa couronne : comment croire que Paris, étriqué dans les frontières de son périphérique, pourra résoudre les problèmes d’écologie, de logement, de transports ou de logistique qui se posent en fait à l’échelle de la métropole tout entière ? J’ai tenté corps et âme de défendre les intérêts des habitants de la couronne, en bonne entente avec ses élus ; j’ai tenté de préparer, enfin, la naissance de ce Grand Paris dont notre territoire et notre pays ont tant besoin. Était-ce une erreur ? Aurais-je dû lâcher la bride quand les vents étaient contraires ? À vous de juger ! Si j’ai échoué à convaincre dans cette campagne frappée de tous les maux, je reste pourtant certain d’avoir porté la seule ligne cohérente, et je forme des vœux pour qu’elle soit, un jour futur, reprise par un autre candidat.

Engagé avec enthousiasme en 2017 parmi les « marcheurs », j’ai fini par ne plus me reconnaître dans ce mouvement hétéroclite sans ligne conductrice claire. En 2020, j’ai quitté le groupe majoritaire pour fonder, avec 16 autres députés, un groupe parlementaire écologiste très actif. Nous avons bataillé ensemble pour renforcer la loi climat-résilience pour interdire les néonicotinoïdes tueurs d’abeille, pour défendre le vivant dans toutes ses composantes. C’est tout naturellement que j’ai ensuite intégré le pôle écologiste français, via la ligne très exigeante et très rationnelle portée par Génération Écologie et sa présidente Delphine Batho, dont je suis devenu porte-parole. Pour la campagne présidentielle, le camp écologiste m’a confié deux dossiers qui me sont chers : l’enseignement supérieur et la recherche d’une part, la condition animale d’autre part. Le programme que j’ai porté sur cette dernière cause a été classé par les associations animalistes comme le meilleur, ex aequo avec celui de l’Union populaire et loin devant tous les autres.
Au-delà de ces changements de parti qui sont aussi le reflet de la recomposition nationale et du doute que suscitent les offres politiques du moment, mon énergie n’a pas diminué, ma sincérité est restée intacte, et je suis aujourd’hui bien plus aguerri pour défendre mes engagements de toujours — le fédéralisme européen, la cause écologique et sociale, les sciences au service du bien public, les droits humains.
Dans les premiers jours de mai, l’Autorité environnementale nous alertait sur le fait que « la transition écologique n’est pas amorcée en France ». Quand j’écoute les citoyens de la circonscription, quand j’entends Hervé se plaindre de risquer sa vie tous les jours à vélo entre Bièvres et le Petit Clamart ; quand je vois Jackie se faire interdire par l’administration de poser des panneaux solaires sur sa maison de Gif-sur-Yvette ; quand un agriculteur bien connu du Plateau de Saclay s’emporte contre le manque de soutien politique au maraîchage, je vois bien que la transition écologique et sociale, malgré les déclarations et les intentions, n’est pas encore amorcée en Essonne. C’est mon ambition que de la porter au cœur de notre territoire.
Depuis quatre ans, je préside les débats du Comité consultatif de l’Établissement d’aménagement Paris-Saclay, je participe au Comité de surveillance du Groupement hospitalier Nord-Essonne, je suis de près les discussions stratégiques de l’Université Paris-Saclay et de l’Institut Polytechnique, Amoureux du terrain et de l’échange direct, j’ai discuté et rediscuté avec les personnels et les médecins de l’Hôpital, j’ai donné des exposés dans les établissements scolaires du territoire et au-delà, j’ai arpenté toute la circonscription à pied et à vélo, pris position sur tous les grands enjeux du territoire. Pour un projet d’hôpital ambitieux et riche en ressources humaines. Contre la précarité étudiante. Pour le développement de l’innovation au service de l’humain, de l’intelligence artificielle au service de la santé. Pour le téléphérique dans notre territoire. Pour que la ligne 18 ne saccage pas les terres agricoles. Pour une bonne mixité dans la carte scolaire du nouveau lycée international de Palaiseau. Pour les interactions productives entre université et agriculture. Pour le développement économique du territoire dans le respect de l’environnement. Pour le désenclavement des Ulis, pour le développement des mobilités douces, pour le dialogue entre culture et cultes, pour le renforcement des effectifs de police. J’ai soutenu les éboueurs du SIOM quand ils faisaient grève pour de meilleures conditions de travail, et les étudiants de l’AgroParisTech quand ils occupaient le site de Grignon pour le maintenir dans le giron de la recherche et de l’enseignement supérieur. Bien souvent, dans des réunions entre élus, je me suis retrouvé isolé à rappeler que le développement du Plateau de Saclay ne peut se résumer à une absurde « Silicon Valley à la française ». Isolé, mais certain d’être dans le vrai sur ce sujet que j’ai vécu de près en tant que chercheur, citoyen, père de famille et maintenant député. C’est bien parce que j’ai pris toute la mesure des enjeux complexes et passionnants du territoire, que je m’y présente à nouveau, plutôt que dans d’autres territoires où j’ai des attaches personnelles : la Corrèze, la Corse, le Var, Paris, Lyon, les Yvelines, l’Indre, le Morbihan.

Je ne méconnais pas la dureté du contexte. La période est incertaine et pleine d’inquiétudes. On n’a pas encore mesuré l’ampleur des séquelles psychologiques du Covid, et déjà la crise économique et la guerre sont à nos portes. Le cours des matières premières, du bois, du blé et de bien d’autres produits cruciaux a explosé. Pourtant l’urgence climatique et l’effondrement de la biodiversité nous menacent plus que jamais, nous et les générations à venir. Dans ce contexte inédit, à l’aube d’élections législatives incertaines, la France a besoin de députés de conviction, fermes sur leurs valeurs, vibrant de tout cœur avec leur territoire, résistant à toutes les pressions. Quand j’ai quitté un groupe majoritaire indécis pour fonder un groupe minoritaire, je voulais justement, comme mes camarades d’aventure, que nos valeurs soient bien reflétées par le nom du groupe : « Écologie démocratie solidarité ». C’est au nom de ces mêmes valeurs que je mènerai campagne, au nom aussi de mes convictions européennes. Et cette campagne, je la mènerai au sein de l’inédite coalition des partis de gauche et de l’écologie, qui s’est formée devant le constat de l’absolue urgence écologique et sociale.
Cette campagne, je la conçois aussi comme un temps de lien humain, de débat et d’échange. Elle sera l’occasion, à votre rencontre, dans tous les quartiers de la circonscription, de répondre en face à face à vos questions, de parler bilan et avenir, coulisses de la vie politique et scientifique, projet de société, avenir de nos enfants. Aujourd’hui comme demain, à votre écoute — Avec mon parcours singulier, à l’image de cette circonscription très spéciale, qui a retenti des voix d’intellectuels engagés, originaux et respectés comme Alexandre Grothendieck, Pierre-Gilles de Gennes, Albert Fert, Valérie Masson-Delmotte, Tsugouharou Foujita, Misha Gromov, Odilon Redon ou encore Louise de Vilmorin. Je serai votre voix à l’Assemblée et sur le territoire pour préparer l’avenir, résorber nos fractures, défendre nos paysages, soutenir la cause du vivant et de l’humanisme.
Cédric Villani
Mathématicien (médaille Fields 2010), Académie des sciences
Député de l’Essonne (5e circonscription), Président de l’Office parlementaire scientifique (OPECST)